Libr. Critique

Ce que les femmes font à la poésie

Entretien avec Fabrice Thumerel + Inédit

Inédit : Je suis la guerre

Mère a été chirurgienne toute sa vie. Il y avait
les hôpitaux du front, on y soignait les blessures
légères. Et pour les blessés graves, les hôpitaux
d’évacuation. C’est là que travaillait Mère.

Et il y avait des trains sanitaires. Oncle Sacha
devait nous conduire à Moscou, la guerre
n’était pas finie, impossible de trouver des billets.
Nous avons échoué à Oufa, la gare d’Oufa.

Une gare mais qu’est-ce qu’une gare ? Un champ
de cauchemar, des rails dans tous les sens et ces
trains sanitaires. Patrouilles brancards, infirmières.
Et ces trains allaient et venaient allaient et venaient
Sibérie et retour… Sibérie.

Et nous les enfants, la tante, les sacs, nous marchions
sur les quais et nous longions les trains et Oncle Sacha
allait voir chaque chef de train. Les chefs de train étaient
médecins et Oncle Sacha demandait à chacun :
ne connaitriez pas Mère par hasard Pas à bord par hasard ?

Chirurgienne toute sa vie
Elle a écrit son habilitation pendant la guerre
Toute la journée elle voyait des blessés Son visage
Jamais je n’oublierai ce visage Il disait
Je suis la Guerre En vérité.